Licenciement et convention collective.
1. Les données du problème.
La Cour de Cassation vient de rendre une décision importante en matière de licenciement et qui incitera les employeurs à consulter la convention collective.
Lorsqu’un employeur veut licencier l’un de ses salariés, il doit respecter la procédure prévue aux articles L 1232-2 et suivants du code du travail :
- l’employeur doit convoquer son salarié à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge.
- Cet entretien ne peut se tenir moins de 5 jours plus tard.
- Durant cet entretien l’employeur informera son salarié des griefs articulés à son encontre.
Le salarié pourra ainsi répondre et apporter ses explications. - Après cet entretien, l’employeur doit respecter un délai de 5 jours avant de prendre toute décision.
- Puis, l’employeur fera connaître au salarié sa décision qui peut pourra être une mesure de licenciement ou toute autre sanction (avertissement ou une mise à pied disciplinaire)
Si l’employeur licencie son salarié, il devra exposer de façon précise et rigoureuse les motifs dans la lettre de licenciement.
Une partie importante du contentieux prud’homal tourne autour de cette question puisque les salariés contestent souvent le contenu même de la lettre de licenciement.
Les débats judiciaires sont parfois particulièrement technique et houleux.
La Cour de Cassation vient de rajouter une touche de technicité supplémentaire par un arrêt du 09/01/2013.
Pour lire le texte intégral de cet arrêt, cliquez ICI 09012013
2. Les griefs à l’origine d’une mesure de licenciement.
Jusque-là, l’exigence de motivation ne frappait que la lettre de licenciement.
La lettre de convocation à l’entretien préalable indique la date et le lieu de cet entretien ainsi qu’une mention type informant le salarié qu’un licenciement était envisagé.
Pour autant, les raisons du licenciement envisagé ne sont pas indiquées.
Le salarié se rend donc à l’entretien préalable sans savoir officiellement ce qui va lui être reproché.
Le code du travail n’est cependant pas la seule source de droit.
Les relations entre employeurs et salariés sont aussi réglementées par la convention collective.
Celle-ci contient ses propres règles qui se substituent à celles contenues dans le code du travail lorsqu’elles sont plus favorables aux salariés.
La convention collective peut donc compléter les règles relatives à la procédure de licenciement en apportant aux salariés des mesures de protections supplémentaires.
EXEMPLE : Certaines conventions collectives prévoient ainsi que les motifs du licenciement envisagé soient d’ores et déjà mentionnés dans la lettre de convocation à l’entretien préalable.
À défaut de respecter cet impératif conventionnel, l’employeur s’expose à des sanctions car le licenciement pourra être déclaré sans cause réelle et sérieuse , entraînant alors la condamnation de cet employeur à des dommages et intérêts .
3. Les faits et la solution dégagée par la Cour de cassation.
Un employeur convoque un salarié à un entretien préalable et indique dans la convocation qu’une mesure de licenciement est envisagée.
Or, l’article 34 de la convention collective applicable dans cette entreprise était ainsi libellé :
« le motif de la mesure disciplinaire envisagée par la direction doit être notifié par écrit à l’intéressé avant que la mesure entre en application… Tout agent doit être entendu par la direction avant une mesure disciplinaire pour obtenir la justification du motif invoqué et faire valoir ses explications ».
On pourra certes trouver la rédaction de l’article 34 quelque peu ambigu.
L’employeur a tenté de surfer sur cette ambiguïté en soutenant que l’exigence de motivation ne concernait que la lettre notifiant au salarié la sanction qui lui était appliquée et non pas la lettre de convocation à l’entretien préalable.
L’employeur estimait ainsi que si la motivation était contenue dans la lettre notifiant la sanction avant que celle-ci ne soit appliquée, l’article 34 était respecté.
La Cour de Cassation voit les choses autrement et dit que l’article 34 constitue « une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi » et qui « constitue une garantie de fond ».
La rédaction de l’arrêt rendu par la Haute juridiction est d’ailleurs sans ambiguïté :
« attendu que la cour d’appel, qui a constaté que le salarié n’avait pas reçu, avant l’entretien préalable au licenciement, notification des motifs de la mesure de licenciement disciplinaire envisagée, en a exactement déduit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
4. Que penser de cette décision ?
On peut faire deux remarques :
- d’une part, il n’est pas étonnant que la Cour de cassation impose le respect des normes.
- d’autre part, il est sain que l’égalité des armes soit respectée : si l’employeur sait ce qu’il va reprocher à son salarié, il est juste que ce dernier sache également ce qui l’attend pour ne pas être pris au dépourvu.
Cela peut influer sur la décision que prendra l’employeur qui sera peut-être plus justement informé après cet entretien.
5. Que conseiller ?
Je conseille aux employeurs de lire la convention collective applicable à leurs salariés afin de savoir si les motifs invoqués dans la lettre de licenciement doivent figurer dans la lettre de convocation à l’entretien préalable.
Si la convention prévoit un tel formalisme, alors l’employeur n’a guère le choix et doit le respecter.
Dans le cas contraire, l’absence de motifs équivaudra à un licenciement infondé.
Peu importera que l’employeur fasse ensuite figurer ces griefs dans la lettre de licenciement.
La motivation, si la convention collective le prévoit, doit se trouver en amont (dans la lettre de convocation à l’entretien) et en aval (dans la lettre de licenciement).
En cas de défaillance de la part de l’employeur, la sanction peut être lourde de conséquences d’un point de vue financier.
Il reste une hypothèse non traitée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 09 janvier 2013, mais dont les solutions se déduisent de l’esprit général de la matière.
Que décider si l’employeur annonce les griefs dans la lettre de convocation alors que cela n’est pas prévu par la convention collective ?
Cela ne pourra à mon sens pas lui être reproché.
Deux solutions se dégagent alors selon le contenu de la lettre de licenciement :
- Solution 1 : Si ces griefs sont repris dans la lettre de licenciement, la procédure semble tout à fait régulière.
- Solution 2 : Si ces griefs ne sont pas repris dans la lettre de licenciement, mais que l’employeur en invoque d’autres, des problèmes peuvent apparaître.
Certes, l’employeur n’avait pas à mentionner dans la lettre de convocation les griefs puisque ce formalisme n’était pas obligatoire.
Mais il faudra que les griefs retenus aient été discutés lors de l’entretien préalable, puisque le salarié doit pouvoir y répondre et s’expliquer à cette occasion.
Il faudra surtout que l’employeur puisse rapporter avec précision et certitude le bien-fondé de ces griefs.
En effet, et en cas de conflit, le conseil de prud’hommes pourra interroger l’employeur sur cette différence entre les griefs annoncés dans le courrier de convocation et ceux retenus dans la lettre de licenciement.
D’où la nécessité d’agir avec prudence et méticulosité.
Nul n’est censé ignorer la loi et… la convention collective.