Le nom marital.
ou
le droit de porter le nom du conjoint
La question du droit de porter le nom de son conjoint ou le nom marital revient fréquemment devant les tribunaux.
Elle ne suscite guère de contentieux durant le mariage.
Mais elle oppose parfois de manière virulente les époux lors d’une procédure de divorce.
Enfin, elle se pose également après une procédure de divorce.
1. Les personnes concernées.
Ne sont concernés que :
- les couples mariés ;
- les couples en instance de divorce ;
- les couples divorcés ;
Ne sont donc pas concernés les concubins et les couples pacsés.
Les concubins et les personnes pacsées n’ont pas le droit de porter le nom de leur partenaire.
2. Le port du nom du conjoint durant le mariage.
L’article 225-1 du Code civil dispose :
» chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit «
Pendant le mariage, chacun des époux a le droit de porter le nom de son conjoint.
Cela vaut tant pour les hommes que pour les femmes.
Le mari peut donc porter le nom de son épouse.
L’épouse peut aussi porter le nom de son mari.
En pratique, la majorité des cas concerne ceux dans lesquels l’épouse porte le nom de son mari.
C’est cette hypothèse-là qui nous servira de base de travail et de réflexion pour la suite de cette présentation.
L’épouse qui décide de porter le nom de son conjoint peut donc :
- porter son nom de jeune fille ;
- porter le seul nom de son époux ;
- porter le double nom composé de son propre nom patronymique et du nom de son époux, dans l’ordre qu’elle souhaite.
Exemple : Madame DUPONT épouse Monsieur DURANT.
Elle pourra donc, selon son libre choix :
- s’appeler DUPONT ;
- s’appeler DUPONT–DURANT ;
- s’appeler DURANT–DUPONT.
Précision : porter le nom de son conjoint n’est pas une obligation.
On ne peut obliger une femme mariée à porter le nom de son époux.
L’épouse peut continuer à porter son nom de jeune fille et uniquement celui-ci, si telle est son souhait.
Ceci est consacré et garanti par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La cour européenne des droits de l’homme a ainsi considéré que l’interdiction faite à une femme mariée de porter son nom de jeune fille serait une discrimination sexuelle contraire aux articles 14 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Voir cour européenne des droits de l’homme, 16 novembre 2004, Unal Tekeli / Turquie, n° 29865/96.
3. Le port du nom marital à l’occasion du divorce.
L’article 264 du Code civil dispose :
« à la suite du divorce, chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint.
L’un des époux peut néanmoins conserver l’usage du nom de l’autre, soit avec l’accord de celui-ci, soit avec l’autorisation du juge, s’il justifie d’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants «
Lorsque les époux divorcent, plus aucun d’entre eux n’a le droit d’utiliser le nom de l’autre.
La femme mariée qui utilisait le nom de son mari durant le mariage devra cesser de le porter après le divorce.
Il y a cependant deux exceptions :
- l’époux peut permettre à son ex-conjointe de continuer à porter le nom marital ;
- En cas de désaccord, le juge aux affaires familiales peut lui même donner cette autorisation.
Lors d’une procédure de divorce, il n’est pas rare que le mari s’oppose à ce que son épouse continue à porter son nom.
Si l’épouse veut continuer à porter son nom marital et que l’époux s’y oppose, le juge aux affaires familiales devra se prononcer.
L’épouse de présenter des arguments susceptibles de convaincre le juge.
L’article 264 alinéa 2 impose à l’épouse de justifier d’un » intérêt particulier » pour elle-même ou pour les enfants.
Tout dépendra donc de ce que l’on entend par » intérêt particulier «
Il revient donc au juge de décider si l’épouse justifie d’un intérêt particulier ou non en fonction des arguments qu’elle avance.
Pourront être retenus comme un intérêt particulier :
- le fait de porter le même nom que ses enfants.
En effet, l’application de l’article 264 alinéa 1 du Code civil voudrait que la femme divorcée ne porte plus le même nom que ses enfants qui continueraient, quant à eux, à porter le nom de leur père.
Cela peut être préjudiciable psychologiquement pour les enfants en bas âge.
Il y a là un intérêt particulier, pour l’épouse et les enfants, à conserver le même nom.
- le fait de porter le même nom que celui sous lequel on est connu professionnellement depuis de nombreuses années.
Exemple : une femme mariée qui exerce une profession libérale ou artistique sous son nom marital depuis plusieurs années pourrait connaître des conséquences professionnelles préjudiciables si on lui interdit de continuer à porter son nom marital.
- la durée du mariage ;
Ainsi, si le mariage a duré très longtemps, un tribunal pourrait être sensible au fait que l’épouse veuille continuer à porter le nom marital qu’elle porte depuis de nombreuses années.
Exemple : dans un arrêt du 30 janvier 2012, la cour d’appel de Lyon a autorisé l’ex-épouse à porter le nom de son ex-mari en considérant l’âge de la requérante, à savoir 60 ans et la durée du mariage, à savoir 36 années.
Mais les tribunaux restent divisés sur la question de la durée du mariage.
Ainsi la cour d’appel de Saint-Denis a considéré qu’il s’agissait là d’un intérêt particulier et a donc rendu une décision favorable à l’ex-épouse.
Voir cour d’appel de Saint-Denis 7 juin 2011, JurisData numéro 01 88 93.
En l’espèce, la durée du mariage était de 46 ans.
Par contre, dans un arrêt du 27 avril 2000, la cour d’appel de Douai a rejeté la demande de la requérante alors que le mariage avait duré 31 ans.
Voir cour d’appel de Douai, 27 avril 2000, JurisData numéro 119 641.
Une uniformisation de la jurisprudence est souhaitable.
La question sera de savoir où fixer le seuil.
EXEMPLE : Si l’on part du principe qu’un mariage qui a duré 30 ans suffit à donner le droit de conserver le nom marital, qu’en sera-t-il d’un mariage qui aura duré 29 ans ?
Le législateur ne peut pas tout prévoir.
Cette charge pèsera donc, sauf accord entre les époux, sur le juge aux affaires familiales.
Il ne faut donc pas négliger ce type de questions.
Demander à continuer de porter le nom de son ex-conjoint ne suffit pas.
Il faut motiver sa demande pour convaincre le juge.
Important : l’épouse qui veut continuer à porter le nom de son mari en fera la demande durant la procédure en divorce.
Mais cette demande peut aussi être faite après le divorce.
Il arrive que cette question, lorsqu’elle n’a pas été réglée au moment du divorce, revienne après le divorce et parfois de nombreuses années après !
L’ex-épouse peut à tout moment saisir le juge aux affaires familiales et lui demander d’être autorisée à continuer à porter le nom de son ex-mari.
Il est cependant conseillé de trancher ce différend durant la procédure en divorce.
Précision : dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel sans juge, les avocats devront recueillir le souhait des conjoints et le formaliser dans la convention de divorce.
4. Le port du nom du conjoint après le divorce et sans autorisation.
Il arrive que l’épouse qui s’est vue refuser le droit de porter le nom de son ex-conjoint continue à se faire appeler sous son nom marital.
Le fait que l’ex-mari ne dise rien pendant plusieurs années n’équivaut pas à une autorisation tacite.
Celui-ci pourra saisir le tribunal à n’importe quel moment pour contraindre son ex-conjointe à cesser de porter le nom marital.
Celui-ci pourra demander deux choses :
- – Il peut demander à ce qu’il soit fait interdiction à son ex épouse de porter le nom marital sous astreinte d’une amende par infraction constatée.
Si l’ex-épouse qui continue à porter son nom marital, celle-ci pourra être condamnée à une astreinte d’un certain montant par infraction constatée.
C’est le juge qui fixe le montant de l’astreinte.
- Il peut solliciter l’octroi de dommages et intérêts en cas de préjudice.
5. Conclusion.
On constate encore que la question du nom marital n’est pas traitée dans bon nombre de dossiers de divorce.
Cette question anecdotique fait pourtant partie des éléments essentiels du dossier.
Il est donc indispensable de recueillir le souhait des époux et de parvenir à un accord.
Si aucun accord n’est trouvé, celui des deux qui souhaite conserver le nom de l’autre doit fournir un dossier complet.
Il faudra rapporter la preuve d’un intérêt particulier pour soi-même ou pour ses enfants.
On peut regretter la rigueur de l’article 264 qui aurait pu être plus souple au regard de certaines situations.
On pourrait songer à compléter l’article 264 afin de permettre à l’ex-épouse de continuer à garder son nom marital lorsqu’il y a des enfants mineurs.
L’article 264 du Code civil pourrait ainsi être complété :
« lorsque les époux ont, entre eux, des enfants qui sont mineurs à la date de dépôt de la demande en divorce, chacun d’entre eux pourra continuer à porter le nom de l’autre s’il est démontré que ce nom est également porté par les enfants mineurs «
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