La qualité d’employeur dans un groupe de sociétés.

Le groupe de société.

 

 

Le groupe de société.

L’internationalisation des échanges a incité les entreprises à se constituer sous la forme de groupe.

Le groupe de sociétés permet à chacune des sociétés de disposer de l’aura dégagée par le groupe.

L’un des objectifs des sociétés est de mettre en commun une image et une réputation.

Juridiquement, le groupe de sociétés est une notion économique qui n’est pas doté de la personnalité morale.

Les sociétés du groupe sont des personnes morales distinctes, dotées de l’autonomie juridique dans le cadre de l’exercice de leur activité.

Ce principe d’autonomie est rappelé par une jurisprudence constante :
« Les cocontractants de l’une des sociétés d’un groupe n’ont aucun lien avec les autres sociétés de ce groupe ».
Voir en ce sens : Cass. Com. 18 octobre 1994 n° 92-21.199

Exemple : des entreprises de travail temporaire implantées dans différents pays européens se regroupent sous un même logo.

Les entreprises appartenant à ce groupe, implantées en France seront distinctes des entreprises appartenant au même groupe et implantées au Luxembourg ou en Pologne.

Toutes feront partie du même groupe.

Chacune sera distincte et n’aura donc pas à répondre des obligations qui pèseront sur les autres.

Chacune des sociétés aura donc ses propres salariés.

Les salariés engagés par la société implantée en France restent ses seuls salariés et ne sont en rien liés à la société implantée en Pologne.

De même, les salariés recrutés par la société implantée en Pologne ne sont en rien liés à la société du groupe implantée en France.

Cette distinction revient dans le cadre des litiges devant le conseil des prud’hommes.

Ainsi, des entreprises de travail temporaire regroupées sous la forme de groupe sont poursuivies devant le conseil des prud’hommes pour des questions concernant une autre société du groupe.

Exemple :
Soit un groupe de sociétés  X.
Ce groupe de sociétés est constitué d’entreprises de travail temporaire en Pologne et en France.
Si la société polonaise recrute en Pologne des travailleurs polonais pour venir travailler en France, le conflit entre les règles de droit polonais et français sera inévitable.
Le travailleur intérimaire polonais qui aura ainsi travaillé en France pourrait songer à saisir le conseil des prud’hommes en France.
Dans ce cas,  la procédure sera tournée contre la société implantée en France et non contre celle implantée à l’étranger.
Il est plus rapide d’intenter en France un procès à une entreprise en France que de le faire contre l’entreprise implantée à l’étranger.

Il faut ici identifier l’employeur réel.

On parle ainsi du principe d’autonomie en droit international du travail.

La jurisprudence rappelle que :

  • Le fait qu’une société appartienne à un groupe de sociétés ne suffit pas à lui donner la qualité d’employeur ;
  • L’absence de qualité d’employeur se déduit de l’absence de relations contractuelles entre le salarié et la société ;
  • Est l’employeur la société qui a conclu le contrat de travail, paye le salaire, donne des instructions et exerce un pouvoir de direction.

1. Le fait d’appartenir à un groupe de sociétés ne donne pas la qualité d’employeur.

La Cour de Cassation le rappelle régulièrement.

Voir : Cass. Com. 19.05.2009, David / As Conseil, pourvois n° 07-41.780.
« mais attendu que la seule circonstance que la société employeur fasse partie d’un groupe de sociétés ne suffit pas à conférer à ce dernier la qualité d’employeur ».

Voir aussi :
Cour d’Appel de Paris, 21 janvier 2003, BRUNEAU / VAN PELT LUMMEN.
 » Un salarié ne peut invoquer l’existence d’un lien de subordination juridique avec les sociétés du groupe, la seule appartenance à un groupe de sociétés ne faisant pas de ces dernières des employeurs multiples ».

Ou encore:
Cour d’Appel Aix En Provence, 24 juin 1997, MOUSSY / STE PARIS MEDITERRANEE.
 » Les sociétés qui constituent en l’espèce un groupe, en raison de leur direction commune, d’une activité commerciale commune ainsi que de la possibilité de procéder à des mouvements de personnel, ne sauraient être mises en cause par le salarié que l’une d’elles a licencié… »

Conclusion : le fait d’appartenir à un groupe de sociétés ne suffit donc pas à conférer la qualité d’employeur.

2. Une société d’un groupe de sociétés n’est pas employeur quant il n’y a pas de relations contractuelles entre elle et le salarié.

Dans l’exemple précité, le contrat de travail a été signé en Pologne entre le travailleur intérimaire et la société polonaise.

A aucun moment la société de travail temporaire française n’a pris part à la conclusion du contrat de travail.

L’absence de toute relation contractuelle entre le salarié et la société de travail temporaire française fait que celle-ci n’est pas l’employeur.

Là encore, la jurisprudence est constante.

Voir: Cass. Com. 22 Octobre 2008, BOUAD / Ste Accor, Sté Goldtur Hoteis E Turismo, Sté Hotel Coralia Saint Raphael, Sté Hotel de Porticcio.
« Mais attendu que la Cour d’Appel…a constaté que la salariée n’avait eu aucune relation avec la Société Acco; qu’elle a retenu que les trois sociétés avec lesquelles l’intéressée avait conclu successivement un contrat de travail étaient des entités autonomes, distinctes les unes des autres et qu’il existait seulement au sein de ce groupe, ensemble économique et financier, une culture de groupe se traduisant par des avantages et facilités.. »

La Cour de Cassation rejette l’argument du salarié qui voulait avoir la qualité de salarié de toutes les sociétés du groupe.

La société de travail temporaire française n’a aucune relation avec le travailleur intérimaire et n’était donc pas son employeur.

3. L’employeur est la société qui a recruté le salarié, paye son salaire et exerce un pouvoir de direction.

Toujours dans l’exemple qui nous sert de base, la société de travail temporaire française n’avait ni conclu le contrat de travail, ni payé les salaires, ni exercé le moindre pouvoir de direction.

La jurisprudence est très claire sur la question : la société appartenant à un groupe de sociétés n’est pas, dans ce genre de d’hypothèses, l’employeur.

Voir : Cour d’Appel d’Angers, 6 septembre 2005, S.A. BOIS DU NORD FRANCE / JOUSSAUME:
 » A la qualité d’employeur celui qui a conclu le contrat, qui pait le salaire et qui donne des instructions. Or, le contrat de travail a été conclu par la société B international, société qui émettait les bulletins de salaire et réglait le salaire par chèque. De plus, le salarié recevait ses instructions et a été licencié par un employé de la société B international, les bulletins de salaire de celui-ci permettant de vérifier qu’il ne pouvait pas être également salarié de la société B France ».

Voir : Cour de Cassation Chambre Sociale, 16 juin 2004, GASTINGER / Société d’éditions Ouest-France, Société Anonyme et Autres:
 » mais attendu qu’après avoir constaté que les sociétés Ouest-France, SGE et le Marin appartenaient au même groupe de sociétés, que M. X avait été engagé par la SGE, laquelle lui versait ses salaires et l’avait chargé de la prospection et annonce publicitaire pour le compte du journal, que les courriers étaient adressés à la SGE laquelle avait procédé au licenciement, la Cour d’Appel en a exactement déduit que la société Ouest-France devait être mise hors de cause ».

Egalement :
Cour d’Appel Aix En Provence, 24 juin 1997, MOUSSY / STE PARIS MEDITERRANEE.
« le salarié ne peut invoquer l’existence d’une unité économique et sociale dans la mesure où, tout en ayant des dirigeants et des activités semblables, les sociétés n’exercent pas leurs activités dans des conditions identiques.
En outre, le salarié ne rapporte pas la preuve qu’elles exerçaient conjointement à son égard un pouvoir de direction, seul de nature à leur conférer la qualité d’employeur commun ».

Ou encore, Cour d’Appel d’Orléans, 17 octobre 1991, SARL CDII / CACLIN :
 » en présence de plusieurs sociétés, l’employeur du salarié est la société qui l’a embauché ».

4. Mise en garde.

Le regroupement de sociétés sous la forme d’un groupe implique parfois une aide ponctuelle entre elles.

La question de la nature de cette aide s’est posée  devant le conseil des prud’hommes de Metz qui en a fait une interprétation partisane.

Dans l’exemple qui nous sert de base, des salariés polonais avaient été recrutés par une entreprise polonaise pour aller travailler en France.

Le contrat de travail a été signé en Pologne, en langue polonaise et les salaires furent versés par l’entreprise polonaise.

Un élément est venu perturber cette apparente stabilité juridique : l’entreprise française de ce groupe implanté avait donné à ces salariés polonais un montant de 100 € lors de leur arrivée en France afin qu’ils puissent effectuer quelques achats.
Il ne s’agissait pourtant pas d’un acompte sur salaire.

C’était simplement une aide que l’entreprise française a donné dans l’urgence à l’entreprise polonaise.
L’entreprise polonaise a ensuite remboursé l’entreprise française.

Les salariés polonais ont ensuite soutenu que l’entreprise française était leur employeur et ont saisi le conseil des prud’hommes pour contester la rupture de leur contrat de travail.

Le conseil des prud’hommes de Metz a jugé que l’entreprise française devait être condamnée solidairement avec l’entreprise polonaise aux dommages et intérêts sollicités par les salariés polonais.

Il faut le faire !

Ignorant totalement la jurisprudence, les conseillers prud’homaux redéfinissent la notion d’employeur sur la base d’éléments contestables.

La jurisprudence avait déjà eu à trancher un cas similaire et avait décidé que l’intervention d’une société du groupe dans la gestion de carrière d’un salarié ne lui donnait pas la qualité d’employeur.

La Cour de Cassation mentionne expressément :
« ayant constaté que le salarié avait travaillé exclusivement…jusqu’à son licenciement pour une seule société du même groupe, la cour d’appel a pu décider que cette société était son employeur, bien qu’une autre société du groupe soit intervenue dans la gestion de carrière de l’intéressé ».

Le  Conseil des Prud’hommes a pourtant jugé :
 » attendu qu’une seule société n’est pas contrainte de réunir l’ensemble des éléments substantiels à la qualité d’employeur, qu’il existe fréquemment en pratique la mise en commun d’un certain nombre de moyens humains sans formalisation conduisant à dégager la notion d’employeur conjoint ».

Cela ne veut strictement rien dire !

De plus, le conseil des prud’hommes qualifie ce paiement partiel et ponctuel « d’acompte sur salaire » alors que cela ne pouvait être le cas puisque ce paiement a été remboursé par la société polonaise à la société française.

Mais il y a mieux : la société polonaise qui payait les salaires n’a au final pas déduit du salaire le montant ainsi donné à ses salariés par la société française.

Il s’agissait sans doute d’une erreur de comptabilité.
Les salariés ont donc reçu de la société polonaise leur salaire et ont conservé le paiement partiel et ponctuel reçu à leur arrivée en France.

On comprend donc mal en quoi un règlement non déduit de la fiche de paye peut-être qualifié d’acompte sur salaire !!!

Les conclusions que peuvent tirer certaines juridictions inciteront les sociétés d’un même groupe à se refuser dorénavant toute entraide.

On se demande ce qu’il adviendra de la notion de groupe…

Quelques mois plus tard, la cour d’appel de Metz, a infirmé le jugement rendu en première instance et cela est tout à fait logique.

Le marché européen du travail fait que les individus passent d’un état à l’autre pour trouver du travail.

La disparition des frontières n’a cependant pas mis un terme aux droits nationaux.

Le droit français est différent du droit polonais.

Il ne faut pas permettre à des salariés intérimaires de jouer avec des artifices procéduraux pour obtenir des décisions favorables au détriment d’employeurs avec qui ils n’ont jamais été en relation.

Souvenons-nous que le code de procédure civile indique la manière de conduire un procès et indique, il détaille la façon de procéder.

Celui qui saisi un tribunal doit donc le faire contre son véritable adversaire.

Les apparences sont parfois plus importantes que la réalité;

Mais la Cour de cassation et toutes les juridictions rappellent que l’on ne peut jongler avec celles-ci face à celle-là.

La notion d’employeur dans un groupe de sociétés doit donc rester ce qu’elle est aujourd’hui.

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