Le refus d’obtempérer en droit routier.

 

Le refus d’obtempérer revient en droit routier avec une fréquence effrayante et bien souvent autour d’affaires particulièrement dramatiques qui se soldent parfois par le décès de membres des forces de l’ordre ou de citoyens, simples piétons ou cyclistes, qui ont eu le malheur d’être au mauvais moment au mauvais endroit.

Pourtant, on ne peut pas dire que l’on découvre le problème : celui-ci existe et s’impose depuis de nombreuses années.

Pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce phénomène criminel, il convient donc de comprendre ce qu’est le refus d’obtempérer.

 

1. Les refus d’obtempérer commis en France : les chiffres.

Le nombre de refus d’obtempérer a connu ces derniers temps une véritable explosion.

Je vous laisse ainsi apprécier ces chiffres : le nombre de refus d’obtempérer était :

  • 10000 en 2016 ;
  • 11806 en 2017 ;
  • puis …
  • 21860 en 2018 ;
  • 22817 en 2019 ;
  • 26589 en 2020 ;
  • 27206 en 2021 ;
  • 26000 en 2022 ;
  • 23200 en 2023 ;

Personne ne sait vraiment pourquoi ce phénomène prend de telles proportions, mais une chose est certaine : l’infraction est commise sans pratiquement la moindre hésitation avec des conséquences parfois dramatiques allant de cas de blessures sévères jusqu’au décès.

Une plus grande sévérité est aujourd’hui réclamée à l’encontre des auteurs de ce type de délits lorsque l’affaire se solde ainsi et l’on peut le comprendre.

 

2. Le refus d’obtempérer proprement dit.

Le délit de refus d’obtempérer est défini à l’article L 233-1 du Code de la route comme  « le fait, pour tout conducteur, d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou d’un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité »

D’emblée, on relèvera les termes particulièrement troublants de cette définition lorsqu’est utilisé le verbe omettre.

Le fait d’omettre quelque chose renvoie à un oubli, voire à une inadvertance, bref à quelque chose que l’on ne fait pas forcément exprès.

En réalité, le fait de ne pas déférer à une sommation de s’arrêter, lorsqu’elle émane des forces de l’ordre, n’est surement pas un oubli, ni une inadvertance, mais quelque chose que l’on fait consciemment en bravant tout simplement l’autorité légitime qui s’attache au travail des forces de police et de gendarmerie.

Les termes utilisés par le législateur sont donc maladroits et reflètent mal la réalité déplorable qui est celle de notre pays aujourd’hui.

Cela est d’autant plus vrai que la sommation de s’arrêter est faite après la commission d’une infraction. Celui qui ne s’arrête pas sait donc exactement pourquoi !

Ceci étant dit, le délit de refus d’obtempérer est constitué si deux éléments sont réunis :

  • il faut d’une part avoir refusé de s’arrêter volontairement ;
  • il faut d’autre part que le fonctionnaire de police ou le gendarme ait été muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité.

 

a) Le refus volontaire de s’arrêter.

Pour que cette condition soit remplie, il faut que l’automobiliste ait pleinement conscience qu’une sommation de s’arrêter lui était destinée.

Très souvent, les automobilistes se défendent devant le tribunal en expliquant qu’ils n’avaient pas entendu ou vu qu’une sommation de s’arrêter les concernait.

Quoi qu’il en soit, devant les tribunaux, le refus sera présumé et retenu par le simple fait que l’automobiliste ne s’est pas arrêté.

Il appartiendra donc à ce dernier de bien préparer son dossier en défense en listant des arguments factuels et juridiques qui permettront éventuellement de renverser une apparence trompeuse et à démontrer qu’il n’y avait pas de refus volontaire mais une simple inattention.

Un cas cependant pourra faciliter la défense : celui de la force majeure.

Cette hypothèse, rare, mérite d’être relevée : celle-ci est prévue à l’article L 122-7 du Code pénal qui dispose expressément que « n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

Bien entendu, le cas très spécifique de la force majeure ne se produit pas souvent et il ne faut donc pas le soulever devant le tribunal n’importe comment, mais uniquement lorsque l’on est sûr de soi.

Exemple : Un automobiliste ne s’arrête pas alors qu’une sommation lui a clairement été notifiée par les forces de l’ordre.

En apparence, le délit est constitué.

Mais il en sera autrement si cet automobiliste transportait dans son véhicule une personne blessée et la conduisait à l’hôpital.

De la même façon, le délit sera écarté si cet automobiliste se rendait à l’hôpital pour y déposer une femme enceinte sur le point d’accoucher.

On pourra dans ces deux hypothèses soulever la force majeure devant le tribunal et obtenir une relaxe.

 

b) Les insignes extérieurs et apparents.

Il s’agit là de la seconde condition exigée par l’article L 233-1 du Code de la route.

L’automobiliste doit savoir que la sommation de s’arrêter émanait d’une personne qui avait effectivement qualité pour le faire.

Autrement dit, n’importe qui ne peut vous sommer de vous arrêter.

Pour cela, l’appartenance aux forces de l’ordre de celui ou celle qui vous fait sommation de vous arrêter  doit être visible et non équivoque.

L’agent de police qui fait sommation à un conducteur de s’arrêter doit donc être identifiable comme tel en portant sur lui et de façon visible ses insignes extérieurs qui l’identifie aux yeux de tous comme membre des forces de l’ordre.

Là encore, les conducteurs invoquent souvent un défaut d’identification clair et précis, mais on recommandera aux plaideurs beaucoup de prudence dans l’utilisation de ce genre d’argument, car la lecture des dossiers pénaux révèle pratiquement toujours que les membres des forces de l’ordre sont extrêmement consciencieux sur le sujet et sont pratiquement toujours identifiables comme tels.

 

 

3. Le refus d’obtempérer et le délit de fuite : attention au risque de confusion.

ATTENTION à ne pas confondre les deux délits.

Le délit de fuite est une infraction totalement différente.

Il est prévu à l’article 434-10 du Code pénal qui le définit comme « le fait, pour tout conducteur d’un véhicule ou engin terrestre, fluvial ou maritime, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, de ne pas s’arrêter et de tenter ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut avoir encourue »

Il n’y a donc ici aucune sommation de s’arrêter délivrée par les forces de l’ordre à laquelle on n’obtempère pas.

Par contre, il y a la commission d’un accident en amont et le fait de ne pas s’arrêter afin d’échapper aux conséquences de celui-ci.

Le délit de fuite est puni à titre principal de trois ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.

Il est donc plus lourdement réprimé que le refus d’obtempérer.

Ces peines principales sont aggravées lorsque l’infraction est commise dans certaines circonstances : ainsi, si l’accident a causé la mort de l’une des personnes impliquées dans l’accident, les peines sont doublées.

Il y a ainsi diverses différences entre les deux délits, le refus d’obtempérer et le délit de fuite, qui vont nécessairement influencer le traitement du dossier et l’audience devant le tribunal.

Bien entendu, rien n’empêche qu’un accident soit suivi d’un refus d’obtempérer et d’un délit de fuite, si les conditions juridiques nécessaire à chacune de ces infractions sont réunies.

 

4. Les sanctions.

 

a) Les peines prévues en cas de refus d’obtempérer « simple ».

L’article L 233-1 du Code de la route réprime le refus d’obtempérer des peines suivantes :

  • deux ans d’emprisonnement et de
  • 15 000 euros d’amende.

Par ailleurs, sont prévues les peines complémentaires suivantes :

  • La suspension du permis de conduire, pour une durée ne pouvant aller jusqu’à trois ans ; cette suspension ne faire l’objet d’une mesure de sursis, ni limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;
  • La peine de travail d’intérêt général, selon les modalités prévues à l’article 131-8 du Code pénal et dans les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code ainsi qu’à l’article L. 122-1 du Code de la justice pénale des mineurs ;
  • La peine de jours amende, dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du Code pénal ;
  • L’annulation  facultative du permis de conduire, avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder trois ans ;
  • La confiscation facultative du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, s’il en a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi ;
  • La confiscation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;
  • L’obligation pour le condamné d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

 

 

Le véhicule utilisé pour commettre l’infraction peut faire l’objet d’une mesure d’immobilisation dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.

Enfin, la commission d’un tel délit donne lieu, de plein droit, à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire.

 

b) La sanction du refus d’obtempérer en cas de circonstances aggravantes.

Dans certains cas, la commission d’un refus d’obtempérer s’accompagne de circonstances qui vont aggraver la sanction.

Il en est ainsi lorsque le délit a été commis dans des circonstances qui exposent directement les citoyens, passants, autres automobilistes, cyclistes ou piétons, à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

Dans ce cas, les peines principales seront portées à :

  • cinq ans d’emprisonnement et de
  • 75 000 euros d’amende.

 

Par ailleurs, lorsque les personnes exposées à un risque de mort ou de blessures de nature à entrainer une mutilation ou une infirmité permanente sont celles chargées de constater les infractions (autrement dit celles appartenant aux forces de l’ordre) les sanctions sont encore aggravées et passent alors à :

  • sept ans d’emprisonnement ;
  • 100.000 euros d’amende.

 

Les peines complémentaires sont également aggravées puisque :

  • la suspension du permis de conduire passe de trois à cinq ans ;
  • la confiscation du véhicule devient obligatoire alors qu’elle était facultative s’il n’y avait pas de circonstances aggravantes ;
  • l’annulation du permis de conduire devient obligatoire alors qu’elle était facultative s’il n’y avait pas de circonstances aggravantes et passe de trois à cinq ans.

 

 

5. Conclusion.

Nous avons vu que ce type de délit a connu une forte augmentation.

Si les tribunaux ont pu faire preuve d’une réelle clémence jusque là, il y a fort à parier que les jugements à venir seront marqués d’une plus grande sévérité.

Cela se comprend car la commission d’un tel délit marque une véritable défiance à l’égard des institutions et génère une forme d’insécurité que plus personne ne supporte.

Il faut donc s’attendre à, non seulement une réforme à venir des textes afin d’accroitre la sanction, mais aussi à un traitement judiciaire plus rapide et plus sévère.

REINS Didier
Avocat
17d, rue de Molsheim
67000 STRASBOURG
Tel : 03 88 32 42 15
Mail : reins.avocat@gmail.com
Site Web : https://reinsdidier-avocat.com

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