L’unicité du permis de conduire ou le cumul de points de deux permis de conduire.

 

 

Le cumul de points  : Le principe d’unicité du permis de conduire signifie qu’un automobiliste ne peut être titulaire que d’un seul permis de conduire.

Mais, la question du nombre de points a fait débat devant les tribunaux.

En effet, si l’on ne peut être titulaire que d’un seul permis, on peut  obtenir plusieurs permis de conduire successivement.

D’où la question : les points affectés à un permis peuvent-ils être ensuite être affectés sur un autre ?

Les points constituent-ils un droit qui suit l’automobiliste d’un permis de conduire à l’autre ?

La jurisprudence est fluctuante.

Explications.

Jusqu’à récemment, la jurisprudence permettait à l’automobiliste de cumuler les points de deux permis de conduire.

La Cour Administrative d’appel de Versailles  a rendu le 18 février 2010 un arrêt en ce sens.

Les faits méritent d’être rappelés.

 

1 . Rappel des faits.

Un conducteur reçoit en février 2005, un courrier l’informant de l’invalidation de son permis de conduire.

Celui-ci  dépose un recours pour excès devant le tribunal administratif et conteste la légalité des retraits de points.

En attendant le jugement (qui interviendra en juin 2007), il repasse son permis de conduire en décembre 2005.

Il obtient donc un nouveau permis de conduire probatoire crédité de 6 points.

Il commet de nouvelles infractions pour un total de 7 points.

En mars 2007, il reçoit donc un nouveau courrier l’informant de l’invalidation de son nouveau permis de conduire.

Or, en juin 2007, le Tribunal administratif de Versailles annule la 1ère décision d’invalidation.

Le tribunal estime que 7 points ont été retirés irrégulièrement.

Un nombre de 7 points est donc crédité sur le permis de conduire obtenu en 1999.

Conséquence logique : le permis de conduire de 1999 n’était donc pas nul en février 2005.

Le Ministère de l’Intérieur demande à cet automobiliste de choisir entre le 1er permis de conduire (obtenu en 1999) et le 2nd permis (obtenu en décembre 2005).

On ne peut avoir deux permis de conduire en même temps en application du principe d’unicité du permis de conduire.

Le conducteur opte pour le 1er permis (obtenu en 1999), ce qui est logique puisque le 2nd venait d’être annulé en mars 2007.

 

2. La question : pouvait-on faire un cumul de points entre deux permis de conduire ?

L’administration décide de retirer du permis obtenu en 1999 les points relatifs aux infractions commises avec le second permis de conduire obtenu en décembre 2005.

L’administration fait le calcul suivant : 7-7 = 0.

Celle-ci retire les 7 points, relatifs aux infractions commises avec le permis obtenu en décembre 2005, du nombre total de points affectés au 1er permis de conduire et sur lequel le Tribunal  avait  réaffecté 7 points.

L’administration envoie au conducteur un courrier l’informant de l’invalidation de son permis de conduire.

Cet automobiliste saisit une nouvelle fois le Tribunal administratif d’un nouveau recours pour excès de pouvoir.

Le Tribunal administratif rejette le recours.

Le conducteur se pourvois devant la Cour administrative d’appel.

La question posée était la suivante : combien de points restait-il à cet automobiliste ? Pouvait-il cumuler les points de ses deux permis de conduire successifs ?

 

3. Les solutions possibles.

  • soit on considère que ce conducteur jouissait d’un permis de conduire à 7 points, à savoir ceux qui lui avaient été rendus par le Tribunal en juin 2007.

Dans ce cas, son solde de points venait en effet de retomber à zéro puisque depuis décembre 2005 des infractions pour un total de 7 points (7-7 = 0).

 

  • soit on considère que ce conducteur disposait de 12 points, à savoir les 7 points restitués en juin 2007 sur son premier permis, et 5 des 6 points de son second permis obtenu en décembre 2005.

(On ne peut pas avoir plus que 12 points)

Dans cette dernière hypothèse, le solde de point du permis de conduire n’était plus de 0, mais de 5 points (12-7 = 5)

 

IMPORTANT : le principe d’unicité n’est en rien affecté par l’une ou l’autre de ces hypothèses puisque l’automobiliste n’a toujours qu’un seul permis de conduire !

 

4. La solution posée par la Cour administrative d’appel.

La Cour commence par rappeler ce que l’on ne peut être titulaire que d’un seul permis de conduire.

C’est le principe d’unicité du permis de conduire.

Et la Cour administrative d’appel dit que l’on peut opérer un cumul de points et donc ajouter à son permis les points obtenus sur un autre permis de conduire.

 

Le Ministère de l’Intérieur souhaitait retirer sur le 1er permis de conduire de l’intéressé les points affectés sur le second.

Pourquoi pas ? Mais alors il faut jouer le jeu jusqu’au bout !

Si l’on permet ainsi de retirer des points sur un seul et même permis, il faut aussi que les points obtenus soient crédités sur ce même permis !

La limite à ce décompte sera le plafond des 12 points.

L’automobiliste a donc bénéficié d’un capital de 5 points et non 6 points, car ses deux permis de conduire (celui de 1999 et celui de 2005) l’ont mené à un total de 12 et non 13 points.

Grâce à cette décision : Si vous perdez l’ensemble de vos points et que vous recevez donc la lettre 48 SI vous pouvez saisir le Tribunal.

En même temps, vous repassez un permis de conduire probatoire.

Si le juge administratif vous restitue des points, ceux-ci s’additionneront avec ceux que vous aurez obtenus  avec votre permis probatoire.

Vous aurez ainsi les 6 points issus du nouveau permis probatoire plus les points que le Tribunal aura décidé de vous rendre.

 

5. La  jurisprudence et le cumul de points.

 

La jurisprudence est riche de décisions qui ont fait une application mathématique du cumul de points.

Ainsi celle rendue par la cour administrative d’appel de Versailles dans la décision commentée plus haut :

Considérant, d’autre part, que, dans le cas où la décision du ministre de l’intérieur ayant constaté qu’un permis affecté d’un nombre de points nul a perdu sa validité est annulée par le juge administratif à une date à laquelle le titulaire de ce permis avait, entre-temps, obtenu un nouveau permis de conduire, à caractère probatoire, la validité du permis initial recouvrée à la date de la décision ministérielle, qui résulte de la rétroactivité de l’annulation prononcée par le juge, a pour conséquence que l’intéressé doit être regardé comme n’ayant pas cessé d’être titulaire du permis initial à la date à laquelle le nouveau permis lui avait été délivré ; 

Considérant qu’il suit de là qu’en vertu du principe d’unicité du permis de conduire ci-dessus énoncé, l’annulation, par le juge administratif, de la décision par laquelle l’autorité compétente avait invalidé le permis de conduire initial fait disparaître, rétroactivement, le nouveau permis obtenu postérieurement à celui-ci ; que, cependant, il ne résulte ni du principe d’unicité du permis de conduire, ni de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à la décision de justice relative au permis de conduire initial, ni d’aucune disposition législative ou réglementaire dont se prévaudrait le ministre de l’intérieur, qu’une telle annulation aurait pour effet de priver l’intéressé du bénéfice des points qui avaient été affectés au nouveau permis rétroactivement disparu, sous réserve, toutefois, que soient respectées à tout moment, rétroactivement, les règles fixées aux articles L. 223-1 et R. 223-1 du code de la route relatives au nombre maximal de points du permis de conduire ; que, par suite, il appartient dans ce cas à l’autorité compétente, pour l’application des dispositions de l’article L. 225-1 du code de la route, de procéder à l’enregistrement de toute modification du nombre de points affectés au permis de conduire initial, en particulier, d’une part, à celui de l’ensemble des dotations de points dont le bénéfice a été reconnu à l’intéressé du fait de la délivrance du permis initial puis du nouveau permis, qu’il convient, eu égard à la disparition rétroactive de celui-ci, de prendre en compte dans le cadre du système de reconstitution de points mentionné à l’article L. 223-6 du code précité, et d’autre part, à celui de l’ensemble des retraits de points opérés à la suite des infractions commises postérieurement à la date de la délivrance du permis initial et non annulés, tout en assurant de façon rétroactive le respect des dispositions des articles L. 223-1 et R. 223-1 de ce code relatives au nombre maximal de points susceptibles d’être affectés à tout moment au permis de conduire ;

Considérant, en l’espèce, que l’annulation par le jugement du 5 juin 2007 du Tribunal administratif de Versailles de la décision du ministre de l’intérieur du 3 février 2005 invalidant le permis de conduire délivré le 24 juin 1999 à M. A et des retraits de trois et quatre points opérés à la suite des infractions commises les 30 mai 2003 et 5 octobre 2003, si elle a fait disparaître rétroactivement le permis de conduire probatoire délivré le 21 décembre 2005, ne saurait avoir eu pour effet de priver le requérant du bénéfice des six points dont avait été affecté ledit permis probatoire ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que le ministre de l’intérieur a commis une erreur de droit en se prévalant du principe d’unicité du permis de conduire pour refuser de lui reconnaître le bénéfice de ces six points ;

Dans le même sens :  tribunal administratif de Lille ,jugement du 21 octobre 2014 :

« …Dans le cas où la décision du Ministre de l’intérieur ayant constaté qu’un permis affecté d’un nombre de points nul a perdu sa validité est annulée par le juge administratif à une date à laquelle le titulaire de ce permis avait, entre-temps, obtenu un nouveau permis de conduire, à caractère probatoire, la validité du permis initial recouvrée à la date de la décision ministérielle, qui résulte de la rétroactivité de l’annulation prononcée par le juge, a pour conséquence que l’intéressé doit être regardé comme n’ayant pas cessé d’être titulaire du permis initial à la date à laquelle le nouveau permis lui avait été délivré ; qu’il suit de là qu’en vertu du principe d’unicité du permis de conduire, l’annulation, par le juge administratif, de la décision par laquelle l’autorité compétente avait invalidé le permis de conduire initial fait disparaître, rétroactivement, le nouveau permis obtenu postérieurement à celui-ci ; que, cependant, il ne résulte ni du principe d’unicité du permis de conduire, ni de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à la décision de justice relative au permis de conduire initial, qu’une telle annulation aurait pour effet de priver l’intéressé du bénéfice des points qui avaient été affectés au nouveau permis rétroactivement disparu... ».

Également, le tribunal administratif de Toulon, dans un jugement n° 1402408 du 30 septembre 2015, a appliqué le principe du cumul des points entre deux permis de conduire successifs.

La liste serait longue si l’on voulait recenser toutes les décisions qui ont fait une application de ce principe.

 

6. Un principe remis en question par le Conseil d’état.

Le Conseil d’état a remis en cause le principe du cumul de points.

Celui-ci a était saisi du jugement n° 1402408  rendu le 30 septembre 2015 par le tribunal administratif de Toulon.

Et le Conseil d’état énonce :

 » 3. Considérant que, lorsque la décision du ministre de l’intérieur constatant la perte de validité d’un permis de conduire pour solde de points nul est annulée par le juge administratif, cette décision est réputée n’être jamais intervenue ; que, pour déterminer si l’intéressé peut, en exécution du jugement, prétendre à la restitution du permis par l’administration, il y a lieu de vérifier que son solde de points n’est pas nul ; que le solde doit être calculé en tenant compte, en premier lieu, des retraits de points sur lesquels reposait la décision annulée qui n’ont pas été regardés comme illégaux par le juge, en deuxième lieu, des retraits justifiés par des infractions qui n’avaient pas été prises en compte par cette décision, y compris celles que l’intéressé a pu commettre en conduisant avec un nouveau permis obtenu dans les conditions prévues au II précité de l’article L. 223-5 du code de la route, et, enfin, des reconstitutions de points prévues par les dispositions applicables au permis illégalement retiré ;

 

  1. Considérant qu’une même personne ne saurait disposer de plus d’un permis de conduire ; que, par suite, le requérant qui obtient l’annulation d’une décision constatant la perte de validité de son permis alors qu’il s’est vu délivrer un nouveau permis ne peut prétendre à la restitution par l’administration de son permis initial, sous réserve que son solde de points, calculé comme indiqué au point 3, ne soit pas nul, qu’à la condition que lui-même restitue le nouveau permis ; que, s’il lui est loisible de renoncer au bénéfice de son permis initial et de conserver son nouveau permis, il ne saurait prétendre, en cas de récupération de son permis initial, au transfert sur ce permis des points dont le nouveau permis était doté ; « 

 Le Conseil d’état s’oppose au principe du cumul de points entre deux permis de conduire successifs.

Pour lire cet arrêt en intégralité, CLIQUEZ sur le lien qui suit  : CE 22022017

Mais cette décision est illogique.

Il suffit de relire la motivation retenue.

Le Conseil d’état rappelle qu’une décision annulée est censée n’avoir jamais existé.

 » 3. Considérant que, lorsque la décision du ministre de l’intérieur constatant la perte de validité d’un permis de conduire pour solde de points nul est annulée par le juge administratif, cette décision est réputée n’être jamais intervenue »

 Jusque là, tout le monde est d’accord.

Puis le Conseil d’état nous livre la méthode pour calculer le solde de points du permis de conduire dont l’invalidation a été annulée :

que, pour déterminer si l’intéressé peut, en exécution du jugement, prétendre à la restitution du permis par l’administration, il y a lieu de vérifier que son solde de points n’est pas nul ;

que le solde doit être calculé en tenant compte, en premier lieu, des retraits de points sur lesquels reposait la décision annulée qui n’ont pas été regardés comme illégaux par le juge, en deuxième lieu, des retraits justifiés par des infractions qui n’avaient pas été prises en compte par cette décision, y compris celles que l’intéressé a pu commettre en conduisant avec un nouveau permis obtenu dans les conditions prévues au II précité de l’article L. 223-5 du code de la route, et, enfin, des reconstitutions de points prévues par les dispositions applicables au permis illégalement retiré ;

il ne saurait prétendre, en cas de récupération de son permis initial, au transfert sur ce permis des points dont le nouveau permis était doté ; « 

 

La méthode de calcul est partisane car le Conseil d’état :

a – recrédite les points illégalement retirés, ce qui est logique.

b – tient compte des points légalement retirés sur le premier permis.

c – tient compte des points perdus avec le permis probatoire.

MAIS : le Conseil d’état retient les points perdus avec le permis probatoire, mais pas ceux obtenus avec ce même permis !

Il y a là une position plus partisane que juridique.

Si l’on tient compte des points perdus à l’occasion d’infractions commises avec le second permis, il faut aussi admettre que les 6 points obtenus avec  ce permis entrent dans le décompte.

 

7. Que penser de cette position ?

Cette solution , fondée sur le principe d’unicité du permis de conduire, n’est juridiquement pas adéquate.

Le principe d’unicité du permis de conduire signifie que l’on ne peut avoir qu’un seul permis de conduire.

Tout le monde est d’accord.

Mais la question du cumul de points est différente.

Les points s’obtiennent lors de stages, de passages de permis ou de reconstitutions quant le conducteur ne commet pas d’infractions.

Ces points sont un droit différent de l’obtention du permis de conduire.

Les points doivent donc suivre l’automobiliste quelque soit son permis en cours de validité.

Lorsque l’on sait que les juridictions administratives font parfois de la résistance au regard des arrêts du Conseil d’État, on peut encore espérer que leurs décisions aillent dans le sens de l’automobiliste.

Il faudra donc suivre la jurisprudence de très près.

 

 

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