La suspension du permis de conduire par le préfet.

 

La suspension du permis de conduire : Lorsqu’un automobiliste commet certaines infractions au code de la route, son permis de conduire peut être suspendu par le préfet.

Chaque année, ce sont ainsi près de 200.000 permis de conduire  qui sont suspendus.

Il existe des voies de recours contre cette décision.

Explications.

 

Sommaire :

1. La suspension du permis de conduire par le préfet.

2. Cas dans lesquels le permis peut être suspendu.

a) La suspension du permis de conduire en cas d’infraction unique.

b) La suspension du permis lorsque vous utilisez votre téléphone au volant et que vous commettez en même temps une autre infraction.

3. Procédure.

4. Les voies de recours contre la décision de suspension du permis par le préfet.

a) Le recours gracieux.

b) Le recours pour excès de pouvoir.

c) Le recours en référé suspension.

5. Quels sont les arguments à développer dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir ?

a) Le caractère excessif de la mesure.

b) Le non-respect de la procédure.

6. Les suites pénales de la mesure de suspension du permis de conduire par le préfet.

 

La mesure de suspension de votre permis de conduire.

1. La suspension du permis de conduire par le préfet.

La suspension du permis de conduire par le préfet est une décision administrative individuelle.

L’automobiliste reçoit ce que l’on appelle un formulaire 3F.

Elle est d’une durée maximum de 6 mois.

Exceptionnellement, elle peut être portée à 1 an dans les cas les plus graves.

La suspension du permis de conduire n’est pas un jugement et ne se prononce pas sur votre culpabilité.

Elle est en quelque sorte une mesure de précaution prise par le préfet.

 

IMPORTANT : Elle n’est pas non plus une mesure d’invalidation ou d’annulation de votre permis de conduire.

Votre permis peut fort bien être valide, avec un capital de plusieurs points, et être suspendu.

 

 

La décision de suspension du permis de conduire ne peut être prise que dans certains cas bien précis.

2. Cas dans lesquels le permis peut être suspendu.

Il faut distinguer : 

  • votre permis peut être suspendu dans certaines hypothèses en cas d’infraction unique ;
  • votre permis peut être également suspendu si vous utilisez votre téléphone au volant et que vous commettez en même temps une autre infraction..

 

Vous n’avez commis qu’une seule infraction :

a) La suspension du permis de conduire en cas d’infraction unique.

Le permis de conduire ne peut être suspendu que pour certaines infractions à savoir :

  • Conduite sous l’emprise de l’alcool
  • Conduite sous l’emprise de stupéfiants
  • Refus de se soumettre à une mesure de dépistage pour l’alcool ou les stupéfiants
  • Grand excès de vitesse c’est à dire supérieur à 40 km/h
  • accident de la circulation ayant entraîné un décès ;
  • délit de fuite.

 

Vous avez commis plusieurs infractions en même temps, dont l’utilisation de votre téléphone au volant.

b) La suspension du permis lorsque vous utilisez votre téléphone au volant et que vous commettez en même temps une autre infraction.

 

Si vous utilisez votre téléphone au volant et que vous commettez au même moment une autre infraction, le préfet aura la possibilité de suspendre votre permis pour une durée de 6 mois.

Il s’agit là de la sanction prévue par l’article L 224-2-5° du Code de la route que vous pouvez consulter sur ce lien : téléphone au volant et suspension du permis de conduire.

Un décret du 18 mai 2020 a fixé la liste des infractions concernées par cette situation.

Il s’agit des infractions suivantes :

  • non-respect des règles de conduite (non-respect de l’obligation de circuler sur le bord droit de la chaussée, non utilisation du clignotant) ;
  • non-respect des distances de sécurité ;
  • franchissement/chevauchement des lignes continues et des lignes délimitant les bandes d’arrêt d’urgence ;
  • non-respect des feux de signalisation (rouge et orange) ;
  • non-respect des règles de dépassement (dépassement dangereux, dépassement par la droite,
  • dépassement par la gauche gênant la circulation en sens inverse, dépassement sans visibilité suffisante vers l’avant, conducteur dépassé ne serrant pas sa droite) ;
  • non-respect de la signalisation imposant l’arrêt ou le céder le passage ;
  • non-respect de la priorité de passage à l’égard des piétons ;
  • non-respect de vitesses (dépassement de la vitesse maximale autorisée en agglomération ou hors agglomération, vitesse excessive ou inadaptée au regard des circonstances).

Exemple : Vous téléphonez en conduisant et vous « brûlez un feu rouge » : la sanction sera la suivante :

  • une amende à 135 euros ;
  • la perte de 3 points sur votre permis de conduire ;
  • la suspension de votre permis de conduire pour une durée de 6 mois.

Pour en savoir plus, je vous invite à lire notre article : Téléphone au volant : sanctions et moyens de défense.

 

Comment les choses vont-elles se dérouler ?

3. Procédure.

Concrètement les choses vont se dérouler comme suit:

  • un automobiliste commet l’une des infractions citées ci-dessus ;
  • les forces de l’ordre l’appréhendent sur place et dressent un procès verbal d’infraction.
  • le permis de conduire peut être retiré sur place mais cela n’est pas automatique ;
  • le préfet est averti de la commission de l’infraction et notifie à l’automobiliste la mesure de suspension sous un délai de 72 heures par lettre recommandée avec accusé de réception.

 

Comment réagir ?

4. Les voies de recours contre la décision de suspension du permis par le préfet.

Comme toute décision administrative, la mesure de suspension peut-être contestée.

Vous pourrez exercer trois voies de recours différentes à savoir :

  • Un recours gracieux.
  • Un recours pour excès de pouvoir.
  • Un recours en référé suspension

 

Le recours auprès du préfet lui même.

a) Le recours gracieux.

Le recours gracieux est fait devant le préfet lui même, c’est à dire devant celui qui a pris la décision de suspendre votre permis de conduire.

Il faut pour cela écrire au préfet en recommandé avec accusé de réception.

Vous avez deux mois à compter du jours ou vous avez reçu la décision de suspension mais il est bien entendu conseillé de le faire immédiatement.

Dans le recours gracieux, il faudra détailler les raisons de droit et de faits qui motivent le recours.

Dans la plupart des cas, les raisons seront factuelles : il faudra exposer les conséquences professionnelles et/ou familiales que la privation du permis de conduire vont entraîner.

Exemple : vous avez besoin de votre permis de conduire pour travailler ou pour chercher vos enfants à l’école : Il faudra le préciser dans le recours car il s’agit là d’un motif valable.

Le préfet aura un délai de deux mois pour répondre.

Si le préfet ne répond pas, il est censé avoir rejeté votre recours.

 

Notons qu’il est extrêmement rare qu’un(e) préfet(e) revienne sur la décision qu’il-elle a prise et vous recevrez alors une lettre type de rejet de votre recours…

 

Le recours auprès du tribunal administratif.

b) Le recours pour excès de pouvoir.

Il s’agit là d’un recours devant le Tribunal administratif qui vise à faire annuler la décision du préfet en démontrant que celle-ci est illégale.

Il faudra indiquer les motifs d’illégalité avec précision.

ATTENTION : il ne s’agit pas du même type de recours que celui prévu en cas d’annulation de votre permis de conduire lorsque vous avez perdu tous vos points.

Les arguments et fondements juridiques ne sont pas les mêmes.

 

Le recours en cas d’urgence.

c) Le recours en référé suspension.

Lorsque vous avez déposé un recours pour excès de pouvoir, il faut savoir être patient.

Vous pouvez donc en même temps déposer un recours en référé-suspension pour obtenir la suspension de la mesure de suspension du permis de conduire en attendant que le juge se prononce sur le recours pour excès de pouvoir.

Il faudra être en mesure de démontrer qu’il y a urgence à suspendre la décision prise par le préfet.

Cela peut être une urgence professionnelle ou familiale.

 

Important à savoir : 

Ces deux procédures sont là aussi très hypothétiques, car :

  • d’une part, les juridictions administratives ont la fâcheuse tendance à entériner les décisions rendues par les préfet(e)s en la matière… (Sans commentaires !)
  • d’autre part, le tribunal administratif étudiera la plupart du temps votre recours au bout de plusieurs mois, ce qui réduit son intérêt, car vous aurez récupéré votre permis d’ici là !

On peut bien sûr regretter que tout soit ainsi organisé pour vous dissuader de vous défendre car cela est donc une véritable violation de vos droits.

Le sujet est encore plus vrai depuis que Madame Christiane TAUBIRA, ancienne garde des Sceaux, a supprimé le droit de faire appel en la matière, en violation du principe fondamental du double degré de juridiction et dans l’indifférence générale des professionnels du droit, à commencer par tous les défenseurs auto proclamés des libertés publiques… (Sans commentaires là aussi !)

Pour autant, ces recours gracieux et juridictionnels restent possibles et offrent parfois de bonnes surprises, mais il faut être sûr de soi et avoir un dossier plus que solide à présenter.

Il existe alors une autre solution, plus bénéfique pour vous : la demande de comparution volontaire.

 

Les arguments.

5. Quels sont les arguments à développer dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir ?

Lorsque vous introduisez un recours pour excès de pouvoir contre la décision du préfet, cela signifie que vous estimez que cette décision est illégale.

Il faut donc expliquer dans le détail en  quoi cette décision est illégale.

Les motifs d’illégalité peuvent être nombreux, mais on en dénombre principalement deux :

  • le caractère excessif de la mesure ;
  • le non respect de la procédure.

 

Vous pouvez estimer que la mesure est excessive.

a) Le caractère excessif de la mesure.

Le préfet est censé pendre sa décision après avoir pris en considération l’ensemble des éléments.

Il ne peut pas se contenter de rendre sa décision de manière abstraite en appliquant un tarif qui serait le même pour tous.

Pourtant, c’est pratiquement toujours ce qu’ils-elles font.

Vous pouvez alors dénoncer le caractère excessif de la mesure de suspension en soutenant qu’elle est trop sévère.

Cela est juridiquement possible mais ne vous y fier pas : les tribunaux administratifs font eux même preuve d’une sévérité excessive sur cet argument.

 

Il existe par contre un autre argument beaucoup plus pertinent : le non-respect de la procédure.

 

L’obligation pour le préfet de respecter un certain formalisme.

b) Le non-respect de la procédure.

L’article L 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration dispose :
« Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :
1° Restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;
2° Infligent une sanction ;
3° Subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;
4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;
5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;
6° Refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ;…»

L’article L 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration dispose :
« Les décisions mentionnées à l’article L. 211-2 n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. »

Le préfet doit donc informer le conducteur de son intention de suspendre son permis de conduire et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations.

EN CLAIR : cela signifie que le préfet ne peut prendre une décision de suspension sans recueillir les observations de l’automobiliste.

Ce n’est qu’après avoir recueilli ces observations que le préfet pourra en toute connaissance de cause décider de suspendre ou non le permis de conduire pour un délai adapté aux cas précis de l’automobiliste.

Cette procédure est logique : avant de prendre une telle mesure, lourde de conséquences, il faut connaitre la situation personnelle et professionnelle de l’automobiliste.

Aucune circonstance ne permet d’y déroger.

En effet, les exceptions mentionnées à l’article L 121-2 du Code des relations entre le public et l’administration n’entrent pas dans le cas d’espèce car :
– Il n’y a aucun cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles qui permettaient de s’affranchir de la nécessité de recueillir les observations de l’automobiliste ;
– La mise en œuvre de cette procédure ne compromettait pas l’ordre public ;
– Il n’existe pas de procédure contradictoire particulière à la matière.

Et pourtant en pratique, les préfets ne respectent pratiquement jamais cette obligation qui leur est faite.

Ceux-ci expliqueront par après qu’ils manquaient de temps pour cela.

Peu importe ce type d’explications : le manque de temps n’entre pas ici en ligne de compte.

Si le préfet ne respecte pas la procédure, sa décision de suspension sera illégale.

La jurisprudence est en ce sens et annule des décisions de suspension qui ne respecteraient pas ces conditions : le Conseil d’Etat lui même, qui est la plus haute juridiction administrative française, rappelle à l’ordre les préfets qui n’appliqueraient pas la procédure, mais également les tribunaux administratifs qui refuseraient d’annuler de pareilles décisions.

Voir ainsi les décision rendues par le conseil d’état :

Conseil d’Etat, 07 décembre 2017, affaire n° 407700
Conseil d’Etat, 04 novembre 2016, affaire n° 388030
Conseil d’Etat, 28 septembre 2016, affaire n° 390439

Très récemment, le conseil d’état a rappeler ce principe dans un arrêt du 20 avril 2021.

La lecture de cet arrêt est particulièrement limpide et nous vous l’offrons en lecture ICI : CE 20042021

PAR CONSEQUENT : il ne faut pas hésiter à faire valoir vos droits.

Si le préfet n’a pas recueilli vos observations avant de prendre sa décision, celle-ci sera illégale.

N’hésitez pas à saisir le tribunal administratif pour dénoncer cette décision et obtenir non seulement l’annulation de cette mesure mais également des dommages et intérêts pour le préjudice subit.

 

L’intervention du juge pénal.

6. Les suites pénales de la mesure de suspension du permis de conduire par le préfet.

 

Un juge se prononcera ultérieurement sur la peine.

Vous serez convoqué devant le Tribunal correctionnel.

Vous pourrez donc vous défendre et expliquer votre situation pour amoindrir la peine.

Si le juge prononce une mesure de suspension de votre permis de conduire, celle-ci se compensera bien sur avec celle prise par le préfet.

Exemple : si votre permis de conduire a été suspendu par le préfet pour une durée de 4 mois et que le tribunal prononce la même peine, vous ne serez privé de votre permis que pendant 4 mois et pas 8.

Si au jour où le juge statue, vous aviez déjà effectué votre suspension de permis, vous récupérerez celui-ci immédiatement.

Autre exemple : si le préfet prononce une suspension de 4 mois et que le juge prononce une peine de suspension de 6 mois, il ne vous restera plus que 2 mois de suspension à faire.

 

Pour consulter le Code de la route sur la question de la suspension du permis de conduire, cliquez sur CE LIEN;

 

 

REINS Didier
Avocat
17d, rue de Molsheim
67000 STRASBOURG
Tel : 03 88 32 42 15
Fax : 09 57 20 42 15
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Site Web : https://reinsdidier-avocat.com

 

 

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